dimanche 27 mai 2012

Liberté Egalité Fraternité : pourquoi ça ne marche pas.




Liberté, égalité, fraternité, sont les mots choisis pour la devise de la république française. L’intention semble bonne. Mais rien ne marche. Voilà pourquoi.


Je commence par l’ « égalité ».


L’égalité


L’élan vers l’égalité émane d’un souhait de justice et d’équité. C’est louable.


Mais cet élan général vers l’égalité est animé par un sentiment personnel d’inacceptation de l’inégalité de l’autre. Je refuse que l’autre soit plus riche, plus beau, plus intelligent. Ce refus d’inégalité, hélas, va jusqu’à la haine de l’autre. Ce refus d’inégalité marque l’époque contemporaine :


-          Le refus d’inégalité à la naissance a conduit aux massacres de familles entières à la Révolution Française. Il est insupportable pour un sans-culotte que la naissance conduise à priori à un destin différent.


-           Le refus d’inégalité de propriété a conduit aux massacres des paysans russes propriétaires de la terre qu’ils travaillaient : les koulaks. Le nombre de tués par la  « dékoulakisation » est estimé à 5 millions. Il est insupportable pour un socialiste soviétique que la fortune soit répartie de façon inégalitaire.


-          Le refus d’inégalité des peuples a conduit aux massacres des juifs par le socialisme national allemand. Le nombre de tués par la shoah est estimé à 6 millions. Il est insupportable pour un socialiste national qu’un peuple soit à la fois brillant et prétende être élu de Dieu.  


Soyons donc vigilants. La proclamation d’égalité peut être le masque des envieux.


La liberté

 


La liberté est le plus beau des défis. Au nom de la liberté, chacun peut agir à sa guise et en toute responsabilité selon sa conscience. Mais hélas, si cette conscience elle même est émancipée de toute vertu supérieure, toutes les turpitudes deviennent alors possibles.


Les élans meurtriers vers l’égalité sont en effet d’autant plus puissants qu’ils sont émancipés de la crainte de la transcendance ! Nulle crainte que l’âme du défunt ne vienne hanter le meurtrier. Nulle crainte que le jugement de Dieu ne vienne sanctionner le coupable.

 

Ce postulat d'émancipation se manifeste en toutes lettres dans l’article 1 de la déclaration de principe du Parti Socialiste français disposant que « Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine. » S’émanciper de toute crainte de ce qui nous dépasse est ce qui ouvre la porte au pire.


En effet, à cause de cette "émancipation complète", la liberté devient alors la liberté de porter atteinte à la vie de l’autre, d'autant plus que cette atteinte  à la vie est légitimée par le pouvoir politique.



La fraternité


La « fraternité » peut être le rejet de ceux qui sont hors de la « fratrie ». La fraternité universelle est dégradée, et se mue en un enfermement entre ceux que je reconnais comme étant mes « frères».


La renaissance des mouvements nationalistes en Europe est caractéristique de cette « fraternité » ostentatoire exclusive de l’autre. Remarquons qu’en France le courant nationaliste, aujourd’hui très vivace, adhère à cette notion de « fraternité ».



La fraternité ostentatoire est-elle un bon choix ? A l’inverse, la charité discrète n’est-elle pas une vertu plus élevée ?





Liberté, égalité, fraternité : la devise de la république française est la façade trompeuse d’une réalité plus terne.


A la source, d’ailleurs, la république est née en massacrant des innocents, puis n’en a jamais exprimé le moindre regret officiel. Ce fondement vicié n’est-il pas de nature à générer une devise viciée ? Est-il si tabou d'envisager qu’il y ait eu une erreur fondamentale de conception à la naissance de la république ?


Je crois pour ma part que ce vice de conception est que les grands principes de liberté, égalité, fraternité, restent intacts s’ils sont cantonnés au domaine de l’intime, mais qu’ils se dégradent s’ils sont imposés avec violence par un projet de société.


A mes yeux, mieux vaut le libre arbitre de chacun que la liberté des masses, l’égalité en dignité plutôt que l’égalitarisme imposé, et la discrète charité plutôt que l’ostentatoire fraternité.


Mais la devise de la république est née de l’ambition orgueilleuse que la sphère politique doit arbitrer les vertus privées. Force est de constater que cette intrusion du politique dans le domaine de l'intime a des conséquences mortifères.


Je propose que la devise de notre pays pose des principes de gouvernement, qui aient pour destinataire le seul gouvernement. Ces principes de gouvernement peuvent par exemple être ceux  posés par Platon : la prudence, la tempérance, la justice, et la force.



La puissance de ces principes platoniciens émane de leur interaction (la tempérance jugule la force, la force sert la justice, la justice est pratiquée avec prudence, etc...), tandis qu'à l'inverse la devise française actuelle est une addition de trois idées sans cohérence principielle et sans tempérance.









Au total, je crois que nous devons tempérer la volonté de toute puissance de la sphère politique. Le meilleur moyen de tempérer cette toute puissance est de rétablir chacun dans ses fonctions.


Le pouvoir temporel doit être distinct de l'autorité spirituelle, et ne pas s'y substituer par une sorte d'idolâtrie de la république. Le pouvoir temporel doit aussi être distinct de la sphère privée, et ne pas s'y substituer par l'édiction de principes moraux.


A défaut de rétablir ces disctinctions, nous préparerions encore la voie à d’atroces douleurs.

2 commentaires:

LM a dit…

Attali démontre dans un livre intitulé Fraternités qu'il y a bien interaction entre Liberté Egalité et Fraternité. Avez-vous lu ce livre ?

Sylvain JUTTEAU a dit…

Une "justification" qui vient 220 ans après la Révolution, est-ce bien crédible ?