samedi 1 mai 2010

Bourdieu l’autiste


Pierre Bourdieu écrivait en Mars 1998 à propos du néolibéralisme :

« Et pourtant le monde est là, avec les effets immédiatement visibles de la mise en oeuvre de la grande utopie néolibérale : non seulement la misère d’une fraction de plus en plus grande des sociétés les plus avancées économiquement, l’accroissement extraordinaire des différences entre les revenus, la disparition progressive des univers autonomes de production culturelle, cinéma, édition, etc., par l’imposition intrusive des valeurs commerciales, mais aussi et surtout la destruction de toutes les instances collectives capables de contrecarrer les effets de la machine infernale, au premier rang desquelles l’Etat, dépositaire de toutes les valeurs universelles associées à l’idée de public, et l’imposition, partout, dans les hautes sphères de l’économie et de l’Etat, ou au sein des entreprises, de cette sorte de darwinisme moral qui, avec le culte du winner, formé aux mathématiques supérieures et au saut à l’élastique, instaure comme normes de toutes les pratiques la lutte de tous contre tous et le cynisme. »

Une vraie caricature de la pensée unique.

Détaillons.

« La misère croissante d’une fraction de plus en plus grande de la société » : Bourdieu répète le discours marxiste de la création d’un lumpenprolétariat de plus en plus nombreux, menant à terme à l’explosion du système. Mais la réalité lui donne tort.

Entre 1970 et 2006, le revenu moyen en monnaie constante a augmenté de 190%, tandis que le revenu des 10% les plus pauvres a augmenté de 231%.

Aujourd’hui, les allocations représentent 40% des revenus des 10% les plus pauvres, et la création du RSA va aussi dans le sens de l’augmentation des versements d’allocations.

Bourdieu s’enferme dans une idéologie, et refuse la réalité qui pourrait perturber sa sécurité de pensée. Cet enfermement conduit à la dénégation du réel.

« L’accroissement extraordinaire des différences entre les revenus » : Bourdieu répète ce que les communistes répètent, toujours par idolâtrie de la doctrine marxiste. Mais là aussi il ferme les yeux sur une réalité. La borne basse des 10% les plus riches divisée par la borne haute des 10% les plus pauvres passe de 4,6 en 1970 à 3,4 en 2006. L’échelle des revenus s’est écrasée.

Pour masquer cette réalité génante pour tous les marxistes qui ont vécu dans la croyance inégalitaire véhiculée entre autres par Bourdieu, les revenus du patrimoine ont d’ailleurs été intégrés dans le calcul en 2005, et la courbe suivante des inégalités de revenus est retracée :



Voyez la fin de la courbe, incohérente avec les évolutions de longue période. La manip est tellement visible qu’elle fait sourire.

Bourdieu déplore aussi « La disparition progressive des univers autonomes de production culturelle, cinéma, édition, etc., ».

Bourdieu délire. En effet, les univers culturels qui prennent le pas sur les autres, sont précisément des univers autonomes, sans mécénat d’Etat ni mécénat privé. Les films d’Hollywood, de Bollywood, les jeux vidéos, les dessins animés japonais, les blogs, les productions musicales, les sites internet, sont loin de créer des univers « en disparition », ils sont au contraire en pleine conquête.

Bourdieu croit aussi qu'il y a « destruction de toutes les instances collectives capables de contrecarrer les effets de la machine infernale, au premier rang desquelles l’Etat ». Bourdieu ne comprend rien à l’OMC, rien au FMI, rien à l’ONU, rien à la Banque Mondiale, qui sont toutes des institutions portées par les Etats. Bourdieu est loin d’avoir posé les éléments de lecture qui permettraient de comprendre la réaction des Etats suite à la crise financière de 2008.

Bourdieu a tout faux sauf sur un point : l’intrusion des valeurs commerciales. Mais de façon assez étrange, il glisse vite sur ce sujet.

Oui, ce sujet est gênant. Si l’on critique l’intrusion des valeurs commerciales, c’est pour rendre leur place aux valeurs fondamentales de charité, d’espérance, de transcendance, de spécificité de la vie humaine, qui sont les valeurs universelles véhiculées par les religions monothéistes.

Bourdieu déteste l’adoration du Veau d’Or, mais dans une manière de nihilisme autiste, il déteste aussi les valeurs qui remplacent le Veau d’Or. Ce nihilisme est en pleine cohérence avec la nature mortifère des socialismes.

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