lundi 16 juillet 2012

Un fonctionnaire peut-il exercer des fonctions politiques ?



Imaginez un joli petit village.
Dans ce petit village, il y a un seul boulanger.
Ce boulanger produit des biscottes.
Et bien imaginez maintenant que ce boulanger a le droit d’obliger tous les habitants à acheter des biscottes, et qu’il a le droit de fixer le prix des biscottes et la quantité obligatoire à acheter.
Dans ce village, on est sorti de la société du contrat pour entrer dans la société de la contrainte.

Maintenant, imaginez un pays entier.
Dans ce pays, il y a des fonctionnaires.
Ces fonctionnaires exercent différents métiers.
Et bien imaginez maintenant que pour financer leur rémunération ces fonctionnaires ont le droit de faire payer des impôts à tous les habitants, et qu’ils ont le droit de fixer le montant de ces impôts.
Dans ce pays où les fonctionnaires sont juge et partie, on est sorti de la société du contrat pour entrer dans la société de la contrainte.

Voilà exactement ce qui se produit lorsque la majorité des parlementaires sont issus de la sphère publique, lorsque le Président est un fonctionnaire (conseiller à la Cour des Comptes), et lorsque les élus des collectivités locales sont des fonctionnaires. Voilà une raison majeure du poids de la dépense publique, qui représente 56% de la dépense totale en France, et qui risque de nous couler comme des grecs, fonctionnaires compris.

Cet état de fait m'inspire trois questions liées entre elles :

1- Les fonctionnaires sont-ils chargés de défendre l'intérêt général ou chargés de défendre les intérêts particuliers d'un parti politique ou d'une catégorie de la population ?

2- Le cumul entre le statut de fonctionnaire et le statut d'acteur politique est-il acceptable ?

3- Comment un Parlement ou des assemblées locales, composés en majorité de fonctionnaires peuvent-il voter avec objectivité les budgets publics qui incluent la rémunération des fonctionnaires et leur nombre ?

 
A mes yeux, un des rôles des fonctionnaires doit être de garantir la neutralité dans le traitement des citoyens (d'ailleurs, cette obligation de neutralité est affirmée par le Conseil Constitutionnel). C'est un rôle de haute portée morale.  Pour maintenir ce rôle, je crois que toute candidature à une fonction élective de portée générale doit impliquer l’abandon du statut de fonctionnaire, en remplacement du système actuel du "détachement". La fonction publique, aujourd'hui vilipendée, vera sa dignité restaurée.
Mais au total, tout a été confondu par manque de vision de long terme. La spécificité de la fonction publique est négligée, ce qui lui enlève le prestige dont elle devrait jouir. Sous la III° République, la tradition était de démissionner une fois élu. Ainsi, Léon Blum a-t'il démissionné du Conseil d'Etat sitôt élu, par respect pour la position de neutralité de la fonction publique.
 
En revanche, je crois que les organisations syndicales de la fonction publique, comprenant des élus qui permettent la défense des intérêts catégoriels, doivent être maintenues. C’est bien le rôle des syndicats que de syndiquer les intérêts.

La confusion actuelle des rôles a dégradé le fonctionnement de notre Cité. Et pour la réhabiliter, je crois nécessaire de rétablir chacun dans son rôle véritable.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Cette prise en main de la vie publique par des fonctionnaires ne peut qu’exacerber un défaut pour moi intrinsèque à la démocratie : Il est dans la nature de chacun et en particulier des hommes politiques de faire évoluer positivement sa carrière. Ceux-ci doivent leur progression soumise aux voix des électeurs. Leur priorité doit donc être de satisfaire l’électorat, quitte à financer la réponse à ses besoins immédiats par des dépenses collectives excessives. Les actions à visée plus, rarement perceptibles entre deux élections, parfois douloureuses et jamais démagogiques ne peuvent donc faire partie de leur panel. Ce jeu de dupe de l’endettement collectif fonctionnait à merveille tant qu'une bonne petite dévaluation permettait de faire déprécier les dettes de l'Etat.
Ceux qui jouaient à ce jeu en zone Euro sont maintenant bien gênés car ce passage d'éponge a disparu de la boite à outil nationale.
A chaque système sa tare : L'extrémisme ne peut fonctionner qu'en dictature, La démocratie de peut qu'induire le déficit. Et lorsque le déficit va, comme vous l’indiquez, dans le sens de l’intérêt de ceux qui les votent, le phénomène ne peut que s’accélérer.
A chaque système sa tare : L'extrémisme ne peut fonctionner qu'en dictature, La démocratie de peut qu'induire le déficit.
Quant aux grecs que vous évoquez, la bien-pensance du moment consiste à dire "ces pauvres grecs, il n'y a pas de raison qu'ils payent pour les erreurs de leurs dirigeants". Je crois qu'au contraire il serait injurieux pour les Grecs qu'ils ne payent pas. C'est une démocratie, les dirigeants du pays sont ceux que le peuple a trouvés de mieux adapté à leurs aspirations. La majorité a toujours raison, c'est là par définition la démocratie.

Sylvain JUTTEAU a dit…

J'approuve vos remarques à 100% !

Anonyme a dit…

......on sait comment se sortir d'une bonne dictature,mais comment se sortir d'une démocratie?

Sylvain JUTTEAU a dit…

Autant la démocratie sans tempérance a ses travers, autant le système de l'élection a ses vertus.

Par exemple, dans le texte constitutionnel qui était en vigueur au début de la V° République, le président était élu par les grands électeurs, eux-mêmes élus par le peuple. Ce suffrage indirect, s'il était rétabli, modérerait la tendance au concours de marketing dans laquelle se fourvoie l'élection présidentielle.

Le système électif peut fonctionner de façon stable et harmonieuse, à condition d'appliquer de justes principes d'organisation.