mercredi 12 mai 2010

Solution pour les retraites


 
"Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin". C’est la règle posée en 1803 par l’article 205 du Code Civil. Le Code Civil exprimait alors un instinct naturel de solidarité familiale.

Aujourd’hui, si le système de retraite existe, c’est que cette solidarité naturelle est démolie.

Depuis 1803, la société a continué de se dégrader. Les familles se morcèlent, les générations ne vivent plus sous le même toit, les désirs matériels prennent le pas sur des aspirations plus élevées.

Depuis 1803, les relations verticales entre l’individu et les collectivités publiques continuent de gagner du terrain au détriment des solidarités horizontales entre membres d’une même famille, entre amis, entre membres d’une même corporation professionnelle.

Le système obligatoire de retraite est avant tout le palliatif artificiel à une absence de solidarité entre les générations.

Le système de retraite par répartition est l’imitation artificielle de ces solidarités naturelles. C’est un pis aller.

Mais il y a pire encore. Depuis les années 80, une certaine frange de la classe politique prône l’amoindrissement de ce système de retraite par répartition au profit d’une retraite obligatoire par capitalisation.

La retraite par capitalisation est la financiarisation ultime des rapports humains. L’argent n’est plus redistribué d’une génération vers l’autre, il est confié aux marchés financiers, et redonné au retraité qui a épargné moyennant l’aléa boursier. Chacun pour sa pomme. La finance aléatoire se substitue à la solidarité familiale.

Et, paradoxe des paradoxes, c’est une certaine frange de la droite conservatrice qui est promotrice de la retraite par capitalisation.

La position prise par cette droite conservatrice est l’archétype de l’abandon des valeurs de solidarité naturelle entre les générations, au profit de l’idolâtrie de l’argent. La droite foule au pied ses propres valeurs en voulant rendre obligatoire la capitalisation.

Les chiffres de la retraite

Pour bien prendre la mesure de ces chiffres, il faut les comparer par exemple aux dépenses totales de l’Etat qui sont de 290 milliards d’€ .

En 2006, le Conseil d’Orientation des Retraites projetait en 2015 :

Dépenses de retraite : 301 milliards d’€
Cotisations : 286 milliards d’€

Déficit des retraites : 15 milliards €


Compte tenu des secousses économiques depuis 2006, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a réécrit sa copie en avril 2010 et projette désormais un déficit de 38 milliards d’€ dans le scénario le plus optimiste pour 2015 :

- chômage à 4,5%
- augmentation de la productivité du travail de 1,8% par an

Sous l’angle de l’équilibrage des comptes, le COR présente aussi des projections pour 2020 . Pour revenir à l’équilibre, sans même parler d’éponger les dettes antérieures, le scénario le plus optimiste donne le choix entre les options suivantes :

- réduire toutes les pensions de retraite de 22%
- majorer le taux de prélèvement de 5%, c’est-à-dire réduire tous les salaires nets de 6,5%
- repousser de 5 ans l’âge de départ à la retraite

Dans sa folie autistique, la gauche ajoute une autre solution qui serait d’imposer le capital. Or, selon les calculs faits par Eurostat, les taux d’imposition implicite sur le capital sont de 28,7% pour l’UE, contre 40,7% en France en 2007. Ce taux comprend l’impôt sur les bénéfices des sociétés, l’imposition sur l’épargne des ménages, et l’ISF.

L’économie est à la limite de la rupture, les industries quittent le pays, et pendant ce temps la gauche, fleur au fusil, se fait fort d’enfumer son électorat avec des propositions irréalistes.

A ces constats globaux s’ajoute une remarque sur l’équité des retraites entre le secteur privé et le secteur public.


Les différences public/privé


Dans le secteur privé, le taux payé par l’entreprise est de 25% du salaire brut. Dans le secteur public, la collectivité employeur paie…69% du salaire brut !

Les fonctionnaires bénéficient de leur retraite pendant une durée supérieure de 30%, et perçoivent un montant de 59% supérieur.

Selon les observations du COR, la retraite moyenne de la fonction publique était en 2004 de 1689€ pour les fonctionnaires, à comparer avec 1065€ pour le secteur privé.


La position de la classe politique


La réorganisation des retraites, déjà examinée sous toutes ses coutures par des quantités de rapports publics, est de fait soumise aux calendriers électoraux. La crainte des manifestations de rue tétanise les cabinets ministériels. Les politiques sont défaillants à exercer la vertu de justice, et à prendre de la hauteur pour assainir la situation.

Les soi-disant réformes sont donc en réalité des bricolages craintifs, et d’ailleurs leur durée de vie est de plus en plus courte. Pour le prouver, il suffit de regarder les dates des «réformes» :

- 1993
- 2003
- 2008
- 2010

Mais en pratique, pourquoi les comptes ont dérivé ? Pourquoi est-on tombé dans ce traquenard ?

En matière de finances publiques, en matière de financement des banques par la banque centrale, le système est dépourvu de stabilisateurs. Les conséquences des dérives éclatent aujourd'hui au grand jour : c'est la crise des banques de 2008, prolongée par la crise des dettes souveraines de 2010.

Il en est de même pour les retraites. Sans stabilisateurs, le système échappe à ses concepteurs d’origine.

En matière de retraite, les taux sont rigides, la durée de cotisation est rigide, et les taux de remplacement sont rigides. Les mouvements de ces trois paramètres sont négociés au cas par cas sous la houlette des hommes politiques, avec des préoccupations de court terme.

Pour les retraites de la fonction publique, le financement par la collectivité est la variable d’ajustement pour les couards : il est plus discret de dépenser toujours plus de fonds publics que d’imposer des contraintes aux bénéficiaires. Les autres variables de durée, de taux de remplacement, de cotisation à charge des bénéficiaires sont d’autant plus rigides qu’une autre solution est possible pour la fonction publique : faire payer les autres.

Dans ces mécanismes rigides, il y a une donnée qui vient s’introduire et tout déséquilibrer, c’est la durée de vie. La durée de vie augmente d’un trimestre par an. Et l’un des vices fondamentaux du régime de retraite actuel, c’est qu’il enlève au surplus le droit de choisir son âge de départ à la retraite. Au nom de quoi se voit-on enlever ce droit ? Au nom de quelle logique économique, au nom de quelle logique humaine ?

De plus, la dérive des régimes de retraite est accentuée par l’augmentation du chômage. Les chômeurs ne cotisent pas. Le sujet du chômage et le sujet des retraites sont donc intimement liés.

Pour introduire un stabilisateur du chômage, je propose d’intégrer dans les cotisations chômage une part proportionnelle au temps mensuel de travail. Chaque employeur est responsabilisé sur la concentration du travail (je développe par ailleurs cette solution).

Des paramètres rigides subissent des circonstances extérieures de durée de vie et de chômage, indépendants de la volonté des gérants des caisses de retraite. Voilà le centre du sujet.


Les principes de base à appliquer


Quels sont les paramètres à changer, et quels sont les paramètres à conserver ? Faut-il ajuster le système à mesure des évolutions de la durée de vie, comme le font désormais les Suédois ? Et surtout, comment faire pour que le sujet des retraites perde son caractère anxiogène ?

En vertu de la solidarité entre générations, je propose que la retraite par répartition soit maintenue avec un caractère obligatoire. Je propose que la retraite par capitalisation soit dépourvue de caractère obligatoire : chacun a le droit d’investir ses propres économies pour compléter la retraite de base, mais personne n’y est contraint.

Je crois que doit être institué un régime unique, en remplacement du système actuel devenu illisible par la multiplicité des caisses, et injuste par les traitements différenciés entre le secteur public et le secteur privé.

Je crois que le taux de cotisation doit être fixe ; je propose de le maintenir à 25% du salaire brut.

Je crois que le taux de remplacement doit lui aussi être fixe. Le régime de la fonction publique prévoit 75% du dernier salaire. Je propose que ce chiffre de 75% soit retenu comme base de calcul, et que le nombre de mois de référence soit la variable d’ajustement.

Je propose de rétablir le droit de choisir l’âge de départ à la retraite, mais pour éviter les décisions d’opportunité, de poursuivre l’obligation de cotisation après liquidation de la pension s'il y a reprise du travail - mais sans modification de la pension.

Je propose que l’équilibre financier du régime de retraite soit obligatoire. Les dépenses de retraites doivent être égales aux cotisations. Au nom de quoi lèguerait-on une dette aux générations futures ?


Application chiffrée


Sur la base de ces contraintes, les pensions de retraite doivent être calculées comme suit :

Recettes mensuelles de la caisse = assiette totale des cotisations x 0,25

Dépenses mensuelles de la caisse = pensions liquidées dans le mois + pensions déjà liquidées

Pensions liquidées dans le mois = (revenus totaux des carrières des retraités dont la pension est liquidée dans le mois/ nombre de mois de référence pour toutes les pensions à liquider dans le mois) x 0,75

Pensions déjà liquidées = (somme des revenus totaux des carrières dont les pensions sont déjà liquidées / nombre total de mois de référence pour les pensions déjà liquidées) x 0,75

Pour simplifier, utilisons des abréviations :


Assiette totale des cotisations = A
Recettes mensuelles de la caisse = R
Dépenses mensuelles de la caisse = D
Pensions liquidées dans le mois = Plm
Pensions déjà liquidées = Pdl
Revenus totaux de la carrière des retraités dont la pension est liquidée dans le mois = Rlm
Nombre de mois de référence pour toutes les pensions à liquider dans le mois = Mpl
Revenus totaux de la carrière des retraités dont la pension est déjà liquidée = Rdl
Nombre total de mois de référence pour les pensions déjà liquidées = Mdl

Les recettes doivent être égales aux dépenses, cela s’écrit donc : R = D, avec R= A x 0,25, et D= Plm + Pdl

On a donc l’égalité : A x 0,25 = Plm + Pdl

Et en développant on a l’égalité : A x 0,25 = ((Rlm/Mpl)*0,75) + ((Rdl/Mdl)*0,75)

La variable qui nous intéresse et qui est à calculer chaque mois en fonction des résultats du mois précédent est Mpl (nombre de mois de référence pour toutes les pensions à liquider dans le mois).

Mpl = Rlm/(A/3 – Rdl/Mdl)

En outre, toutes les pensions doivent être indexées sur l'inflation.


Conclusion


Ce système est viable à condition d’introduire un stabilisateur du chômage. Au cas contraire, les retraités liquidant leur pension en période de chômage élevé sont désavantagés.

Ainsi que précisé plus haut, le stabilisateur du chômage que je propose est l’introduction d’une cotisation chômage proportionnelle au temps de travail.

D’ailleurs, l’une des clés des défaillances dans le traitement du sujet des retraites, est le traitement du sujet des retraites séparément de la stabilisation du chômage.

Pour l'article sur le chômage, voyez ICI, sous la forme d'un dialogue entre deux personnages.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Cet article est lumineux.

Sylvain JUTTEAU a dit…

Merci, mais c'est sans mystère.

C'est 1% d'inspiration et 99% de transpiration.

De plus, mes conclusions sont proches de celles de Jacques Bichot qui a fait une étude pour l'Institut Montaigne.

Mais il y a une différence de base : J. Bichot retient l'idée d'âge pivot, qui me semble injuste pour ceux qui commencent à travailler plus tôt.


A part cette différence, je rejoins J. Bichot sur les constats de base : importance du sujet pour l'ensemble des comptes publics, souhait d'unifier les régimes, et primauté donnée à la répartition.

J. Bichot n'a jamais été complètement entendu, et ce n'est pas parceque l'on a techniquement raison que l'on est politiquement victorieux.

Toutefois, je cultive l'espérance. La vérité est plus solide que le mensonge et finit toujours par l'emporter.