jeudi 3 décembre 2009

Comment sortir de la confusion entre le religieux et le politique ?

J’ai reçu dans ma boîte mél le texte suivant :


> Lettre du Père de Foucauld adressée à René Bazin, de l'Académie française, président de la Corporation des publicistes chrétiens,

> parue dans le Bulletin du Bureau catholique de presse, n° 5, octobre 1917 :



« Ma pensée est que si, petit à petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial du nord de l'Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement nationaliste analogue à celui de la Turquie : Une élite intellectuelle se formera dans les grandes villes, instruite à la française, sans avoir l'esprit ni le cœur français, élite qui aura perdu toute foi islamique, mais qui en gardera l'étiquette pour pouvoir par elle influencer les masses ;

D’autre part, la masse des nomades et des campagnards restera ignorante, éloignée de nous, fermement mahométane, portée à la haine et au mépris des Français par sa religion, par ses marabouts, par les contacts qu'elle a avec les Français (représentants de l'autorité, colons, commerçants), contacts qui trop souvent ne sont pas propres à nous faire aimer d'elle.

Le sentiment national ou barbaresque s'exaltera dans l'élite instruite : Quand elle en trouvera l'occasion, par exemple lors de difficultés de la France au dedans ou au dehors, elle se servira de l'islam comme d'un levier pour soulever la masse ignorante, et cherchera à créer un empire africain musulman indépendant.

L'empire Nord-Ouest-Africain de la France, Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique occidentale française, etc., a 30 millions d'habitants ; il en aura, grâce à la paix, le double dans cinquante ans. Il sera alors en plein progrès matériel, riche, sillonné de chemins de fer, peuplé d'habitants rompus au maniement de nos armes, dont l'élite aura reçu l'instruction dans nos écoles. Si nous n'avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront.

Le seul moyen qu'ils deviennent Français est qu'ils deviennent chrétiens. Il ne s'agit pas de les convertir en un jour ni par force mais tendrement, discrètement, par persuasion, bon exemple, bonne éducation, instruction, grâce à une prise de contact étroite et affectueuse, œuvre surtout de laïcs français qui peuvent être bien plus nombreux que les prêtres et prendre un contact plus intime.

Des musulmans peuvent-ils être vraiment français ?

Exceptionnellement, oui. D'une manière générale, non. Plusieurs dogmes fondamentaux musulmans s'y opposent ; avec certains il y a des accommodements ; avec l'un, celui du medhi, il n'y en a pas : tout musulman, (je ne parle pas des libres-penseurs qui ont perdu la foi), croit qu'à l'approche du jugement dernier le medhi surviendra, déclarera la guerre sainte, et établira l'islam par toute la terre, après avoir exterminé ou subjugué tous les non musulmans.

Dans cette foi, le musulman regarde l'islam comme sa vraie patrie et les peuples non musulmans comme destinés à être tôt ou tard subjugués par lui musulman ou ses descendants ; s'il est soumis à une nation non musulmane, c'est une épreuve passagère ; sa foi l'assure qu'il en sortira et triomphera à son tour de ceux auxquels il est maintenant assujetti ; la sagesse l' engage à subir avec calme son épreuve; "l'oiseau pris au piège qui se débat perd ses plumes et se casse les ailes ; s'il se tient tranquille, il se trouve intact le jour de la libération ", disent-ils ; ils peuvent préférer telle nation à une autre, aimer mieux être soumis aux Français qu'aux Allemands, parce qu'ils savent les premiers plus doux ; ils peuvent être attachés à tel ou tel Français, comme on est attaché à un ami étranger; ils peuvent se battre avec un grand courage pour la France, par sentiment d'honneur, caractère guerrier, esprit de corps, fidélité à la parole, comme les militaires de fortune des XVIe et XVIIe siècles mais, d'une façon générale, sauf exception, tant qu'ils seront musulmans, ils ne seront pas Français, ils attendront plus ou moins patiemment le jour du medhi, en lequel ils soumettront la France.

De là vient que nos Algériens musulmans sont si peu empressés à demander la nationalité française : comment demander à faire partie d'un peuple étranger qu'on sait devoir être infailliblement vaincu et subjugué par le peuple auquel on appartient soi-même ? Ce changement de nationalité implique vraiment une sorte d'apostasie, un renoncement à la foi du medhi ... »




Soit c'est un faux, soit Charles de Foucauld s'est échauffé à tort.

Dans le sunnisme, le mahdi est un descendant du prophète qui émergera à l’âge de 40 ans juste avant la seconde venue de Jésus à la fin des temps.

Dans le shiisme, le mahdi est lui-même le sauveur de la fin des temps.

Je remarque que le sens de cette croyance est le même que celui de la parousie dans la doctrine chrétienne.

On peut aussi faire l'analogie avec l'attente messianique des juifs. L'attente du Messiah est une constante de la tradition juive.

Et au fond, il est cohérent que ces trois monothéismes présentent ces analogies puisqu'ils prennent racine sur la même terre, se reconnaissent comme descendants d’Abraham, et ont tous trois pour source première la religion de l'ancienne Egypte.

Lorsque Charles de Foucault fait le lien entre l'adoption de la nationalité française et le renoncement à la foi du mehdi (ou "mahdi"), il se mélange les pinceaux.

D'une part, il apparaît ignorer que la doctrine du mahdi est une expression de l’identité des trois monothéismes abrahamiques. Il n'y a, au moins sur ce point, aucune incompatibilité avec la foi juive ou chrétienne. Charles de Foucauld, si ce texte est vrai, apparaît méconnaître le principe soufi suivant lequel « la doctrine de l’unicité est unique ».

D'autre part, il dénonce la confusion entre l'ordre temporel et l'ordre religieux, et la manipulation de la masse croyante par une élite athée. Cette confusion est une dérive moderniste. Mais lorsqu'il prône la conversion des musulmans par des chrétiens laïcs, il se vautre précisément dans cette confusion.
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La confusion du spirituel et du temporel dont Charles de Foucault se fait le complice est grosse de bien des dangers, à l'échelle française comme à l'échelle de la planète.

Je propose que l’on sorte de cette confusion entretenue entre le temporel et le spirituel. Je propose comme conséquence pratique et immédiate, que l’on interdise toute forme de financement direct des religions par la collectivité publique, et que ces financements n’interviennent que par donation déductible de l’impôt sur le revenu. La religion est un choix privé, non un choix public.

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