lundi 15 juin 2009

Quel profit tirer des analyses de Friedrich HAYEK ?

En 1946, Friedrich Hayek analyse la naissance des collectivismes totalitaires et préconise une société de liberté. Hayek est redécouvert dans les années 80 et inspire le néo-libéralisme.

Friedrich Hayek a-t’il vu juste ?

Je crois que Hayek a vu juste pour son analyse du totalitarisme, mais qu’il a une vision lacunaire des mécanismes économiques.

J’ai choisi un passage :

« Comme le planisme s’étend de plus en plus, on est amené à substituer aux principes juridiques de simples références indiquant que telle ou telle opération est « correcte » ou « raisonnable ». Cela revient à dire que dans les cas concrets, la décision est abandonnée à la discrétion d’un arbitre ou à une autorité spécialement compétente. La pénétration progressive de ces formules vagues dans la législation et la jurisprudence pourrait fournir les éléments d’une véritable histoire du déclin de la règle de la loi, de la disparition du Rechtstaat, de l’ « Etat de Droit ». On y verrait comment cet envahissement de l’arbitraire a rendu les lois incertaines, les a fait mépriser et les a réduites au rang de simples instruments de la politique. ».(La Route de la servitude, 1946)

La vision Hayekienne de la naissance des totalitarismes est limpide. La prolifération législative fait perdre son sens à la loi, ce qui est un des éléments qui ouvre la voie au règne de l’arbitraire.

En revanche, son analyse économique est à mes yeux peu lucide. Hayek a une vision intellectuelle et idéologique de l’économie, en miroir de la vision socialiste qui a, elle aussi, porté l’économie sur le terrain de l’idéologie.

En ce sens, Hayek est le produit de l’époque moderne. Dans l’époque moderne, la connaissance des principes métaphysiques s’est dégradée au profit du gonflement des idéologies. Dans l’époque moderne, l’intelligence directe du monde s’est dégradée au profit de l’intellectualité. Hayek a épousé les travers de son époque et se perd dans une vision binaire du Monde, générée par ces dégradations.

Je vous ai choisi un passage extrait du même ouvrage :

« Le libéralisme est basé sur la conviction que la concurrence est le meilleur moyen de guider les efforts individuels. Il ne nie pas, mais souligne au contraire que pour que la concurrence puisse jouer un rôle bienfaisant, une armature juridique soigneusement conçue est nécessaire ; il admet que les lois passées et présentes ont de graves défauts. Il ne nie pas non plus que partout où il impossible de rendre la concurrence efficace, il nous faut recourir à d’autres méthodes pour guider l’activité économique. »

Le libéralisme économique moderne constate et admet qu’il y a des endroits où la concurrence est inefficace à produire des biens et services utiles. Mais à partir de là, c’est le grand vide de la pensée Hayekienne, et le grand vide de la pensée libérale en général. En effet, une fois ce constat pratique réalisé, la pensée libérale est muette sur les raisons qui font que pour certains produits et services cette concurrence est inefficace.
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Pour remédier à cette lacune, les économistes libéraux ont développé la théorie des externalités. C'est un aveu. Oui, en effet, ce qui n'est pas cessible est bien externe à l'économie libérale.
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La pensée libérale est muette sur la ligne de partage optimale entre l’action collective et l’action d’initiative privée. Et c’est ce vide qui rend le libéralisme bancal. C’est ce vide qui est remplacé par de l’ « idéologie », teintée d’un peu de pragmatisme.

De l’autre côté, la pensée socialiste est aussi tout à fait incapable de définir cet optimum, et d’accepter par exemple que pour certains biens et services l’accumulation inégalitaire du capital est la condition d’une production optimale de la valeur. Cette faille de la pensée socialiste est elle aussi comblée par de l’ « idéologie », teintée d’un peu de pragmatisme.

J’ai l’intuition que le point d’optimum est au centre.

Et au-delà de cette intuition directe, je crois que la collectivisation optimale est un rapport entre l’utilité des biens et services que l’on veut produire, et le caractère cessible de ces biens et services. A cela j’ajoute que le plus ou moins grand altruisme des individus déplace cet équilibre.

La formalisation de ce principe peut être faite de la façon suivante :

Collectivisation Optimale = (Utilité / Cessibilité) - Altruisme

J’ai cité quelques exemples à l’appui de ce principe, et jamais jusqu’alors je n’ai rencontré quiconque capable de l’infirmer par un contre exemple.

Hayek était tout à son effroi vis-à-vis du collectivisme, et en a tiré une vision binaire du monde, entre les méchants collectivistes, et les gentils libéraux.

Je crois que Friedrich Hayek a fait une analyse juste des totalitarismes, mais sa vision binaire du monde lui a interdit une analyse juste des mécanismes économiques.

Laissons donc de côté sa vision économique, et voyons quel fruit on peut tirer de son analyse du totalitarisme.

Pour Hayek, la dégradation de la valeur de la loi est une condition de l’établissement de l’arbitraire. Prenons argument de ce qui est juste chez Hayek, pour en extraire des solutions politiques.

Pour lutter contre l'éparpillement législatif, les lois d'opportunité, et l’emprise de la bureaucratie sur l’élaboration de la loi, nous pourrions imposer un fonctionnement qui implique mieux les parlementaires dans la production de la loi. Un fonctionnement qui rétablisse une cohérence entre la loi votée par le parlement et les décrets d'application élaborés dans l’obscurité des administrations centrales.

Pour impliquer les parlementaires, je propose de rétablir le vote personnel article par article de toutes les lois.

Aujourd'hui, on accepte qu'un parlementaire tourne la clé de vote d'un collègue. Cette pratique s'est répandue et instituée, à tel point que les clés ne quittent plus leur serrure. Les "tourneurs de clés" tournent la démocratie en ridicule, et favorisent in fine la possibilité de produire des gros volumes textuels avec peu de parlementaires présents dans l'hémicycle. Et force est de constater que la qualité textuelle est en proportion inverse de la quantité.

Pour redonner de la cohérence entre la loi et les décrets d'application, je propose de rétablir là aussi un fonctionnement sain en stipulant que tout décret doit être l'application d'une loi, et que toute loi ne peut être votée que si les décrets d'application sont présentés au Parlement.
Le Parlement n'est pas une chambre d'enregistrement, il fixe la loi.
La loi n'est pas le support de l'arbitraire, elle est un recours en cas de litige.
Rétablissons ces principes, c'est l'intérêt de tous.

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